delete Created with Sketch.

Austerlitz Labeur

par Jean François Porchez

À propos

Le Didot ordinaire par excellence

L’Austerlitz est la 4e exploration du monde des Didots et de leurs variantes, après l’Ambroise (2001–16), le Mencken Head (2004-16), le AW Conqueror Didot (2010–18) publiés par Typofonderie. L’Austerlitz est cependant une exception, en ce sens qu’il ne s’agit pas d’un Didot pur, mais d’un caractère polyvalent décliné en 7 graisses avec italique, en 4 corps optiques pour un total de 56 fontes.

Austerlitz et son contexte

Austerlitz est un caractère librement inspiré de la Série 16 (circa 1878) publiée par Deberny & cie. La Série 16 fait partie des “caractères ordinaires modernes” destinés à la composition typographique chez Deberny & Peignot jusqu’à sa fermeture en 1974. Il ressemble à un Didot, mais ne suit pas les principes de ce style: les contreformes sont souple set arrondies - dans un Didot elles sont généralement plus raides par contraste -, l’axe de construction n’est pas complètement vertical, il y a des traces de cursivité influencé par l’écriture. En outre, les empattements sont attachés aux fûts par une courbe et les italiques sont innovants pour l’époque.

L’idée d’un caractère plutôt commun

En 1878, Émile Javal énonce une série de mesures “hygiéniques”, dont la préférence pour certains caractères, à prendre pour lutter contre la myopie et améliorer ainsi la lisibilité des textes. La série 16 et la variante 17 (avec ses descendantes allongées) sont le fruit de ses théories physiologiques, qui seront rassemblées dans son livre Physiologie de la lecture et de l’écriture publié en 1905.

Lorsque Jan Tschichold — bien connu pour sa quête de l’idéal en composition typographique moderne — travaillait pour UherType, il a conçu plusieurs caractères qui n’ont pas été utilisés ou achevés: La Série 16 (1934) est l’un d’entre eux.

Plus tôt, dans Die Neue Typographie, Jan Tschichold a défini les caractéristiques de caractères à empattements qui n’évoquent pas une période historiquement référencée : un caractère comme Austerlitz (dans ses versions Petit et Labeur) sait se fait discret, comme celui qui entre dans une pièce, un magasin ou un musée et que personne ne remarque. En fait, c’était cette approche est ce que recherchait Adrian Frutiger lorsqu’il a superposé différents caractères : “La superposition de huit caractères à empattement a fait ressortir une grande convergence de la silhouette.”

Les caractéristiques de l’Austerlitz

Austerlitz est un caractère à empattement qui se définit comme commun, naturel, harmonieux pour les variantes Petit et Labeur. Alors qu’il est élégant, classique, ornemental pour les variantes Gros et Affiche.

En texte courant, les Austerlitz romains en variantes Petit et Labeur se conforment à cette idée d’un caractère discret et quotidien. Il délivre le contenu avec aisance, il ne s’impose pas entre le texte et le lecteur, il est sobre et sait se faire oublier.

Dans les variantes Gros et Affiche, l’Austerlitz raconte une autre histoire. Ses formes et ses contrastes, son élégance, font référence à un Didot tardif, dans sa plus belle tenue d’apparat. Avec un fort contraste, les formes typographiques classiques s’imposent sur la page (papier comme écran).

Italiques à empattements

Les italiques de l’Austerlitz ont 40 ans d’avance sur les idées de Stanley Morison, ou est-ce l’inverse? Dans Fleuron 5 (1926), Stanley Morison publie Towards an Ideal italic un article dans lequel il défend l’idée qu’une italique est au service du romain, qu’elle ne doit pas être trop cursive, et reprendre les empattements du romain. En réalité, l’italique Austerlitz - inspiré des 16 Séries - va plus loin. La graisse étant visuellement similaire à celui du romain, les différences de couleur du texte sont plus subtiles, sans perdre la fonction italique.

À propos des noms Petit, Labeur, Gros, Affiche et Austerlitz

Notre intention était de faire référence aux noms donnés aux tailles de caractères avant que le système de points typographiques ne soit introduit par P. S. Fournier, puis renforcé par la famille Didot. Avec le PS Fournier, 3 versions étaient disponibles: la version de base, la version Petite, la version Large. Nous avons adopté le même principe avec Austerlitz: Petit sera dédié aux très petites tailles, Labeur aux tailles intermédiaires. En français, le terme “Labeur” fait référence aux imprimeurs dits “labeurs”, spécialisés dans l’impression de livres. Mais rien n’empêche d’utiliser ces deux versions en grands corps pour continuer à promouvoir cette idée de l’ordinaire et du simple, le caractère qui sait “ne pas se faire voir”! La version Gros est plus adaptée aux grands formats et la version Affiche est plus adaptée à une utilisation en très grandes tailles. Enfin, les quatre noms suivent un ordre alphabétique, pour être plus cohérent avec l’ordre dans les menus

Austerlitz fait référence à la bataille livrée par Napoléon 1er le 2 décembre 1805. Cette bataille est légendaire car les Français sont partis avec deux fois moins d’hommes que leurs adversaires. La stratégie de Napoléon était basée sur une manœuvre qui trompait les ennemis en leur faisant croire qu’ils avaient l’avantage. L’analogie typographique est qu’Austerlitz est un caractère humble, qui ne révèle ses atouts que lorsqu’il tombe entre les mains d’un créateur talentueux. Il appartiendra à ce designer de le mettre en valeur dans ses projets.

Les vignettes et bordures d’Austerlitz

Avec l’Ambroise (2001), nous avons commencé à concevoir des ensembles de vignettes et de bordures adaptés à toutes les graisses et chasses. Une petite palette d’éléments combinés dans différentes variations de poids et de largeur offre un formidable terrain de jeu aux utilisateurs. Depuis lors, cette recherche d’ornements et de dingbats “variables” n’a jamais cessé. Avec Austerlitz, nous nous sommes attachés à concevoir un ensemble très réduit de vignettes en poids et en contrastes, adaptables et combinables. Il est assez facile de dessiner une version plus audacieuse ou plus contrastée d’un caractère, alors que faire la même chose avec un ornement est parfois un véritable défi. Nous avons inclus des flèches, et leurs versions combinables. Trois vignettes, et un ensemble d’outils pour créer des blocs et des bordures, le tout en 56 variantes.

  • Rendez-vous sur le [site dédié à l’Austerlitz] (https://austerlitz.typofonderie.com) pour en savoir plus sur l’histoire de ce nouveau caractère et pour admirer des spécimens de caractères en grands corps.

Suggestions de combinaisons